De la Géologie du Bois de Serres,

Professeur Gérard DEMARCQ

 

 

 

Comment s'est formé le secteur du Bois de Serres?

 

            Sa morphologie actuelle dépend de plusieurs étapes géologiques qui sont faciles à comprendre. Ses traits géographiques montrent trois éléments: le plateau, les vallons, les pentes.

            Au début de l'ère Quaternaire, voici environ deux millions d'années, le plateau était une vaste plaine basse qui s'étendait jusqu'aux collines pré-alpines à l'est et aux reliefs usés du Massif Central à l'ouest. Elle se poursuivait vers le sud jusqu'à la Crau: c'était la "vallée du Rhône" de l'époque.

            Des fleuves y divaguaient, provenant surtout de la chaîne des Alpes; ils étalaient des alluvions argilo-caillouteuses sur 10 à 20 mètres d'épaisseur. D'après la nature des galets on sait qu'ils provenaient de la fonte de ses premiers glaciers, particulièrement au niveau du Lyonnais.

           Progressivement les derniers mouvements alpins ont alors soulevé toute la région jusqu'à l'altitude actuelle du plateau. Corrélativement, le Rhône et ses affluents devaient creuser d'autant pour maintenir leur alignement sur le niveau de la mer. On imagine l'ampleur de la dénivelée, de l'ordre de 130 mètres, par rapport à la plaine actuelle !

            Les petits ruisseaux comme ceux de Serres et des Planches ont alors formé leurs vallons pour continuer à rejoindre la Saône. Leurs flancs forment des pentes assez raides. Leur propre alluvionnement est faible car leur bassin versant est peu étendu et leur débit peu important.

            Ainsi se trouve tracé le cadre topographique de ce Site naturel de l'Ouest Lyonnais dont fait partie celui du Bois de Serres.

 

 

Qu'observe-t-on comme composants géologiques?  

 

            La surface du plateau, pratiquement horizontale, est parsemée de ces fameux galets d'origine alpine. Ce sont des grés durs, compacts, siliceux: des quartzites selon le langage des pétrographes. En casser un pour voir sa texture, fine et compacte. On trouve actuellement de grands affleurements de cette roche dans le centre des Alpes, par exemple au niveau du barrage de Tignes. Patinés par l'érosion, ils ont ici une teinte beige ou rousse dûe aux hydroxydes de fer. Comme dans d'autres secteurs du Lyonnais, ils servaient à construire la base des murs des habitations, ou le pavage historique des rues de Lyon (les "calades"). Les galets sont emballés de manière lenticulaire dans une argile ocre panachée de gris, très grasse, avec des grains de quartz; elle n'a guère d'usage. Par contre, elle contribue au glissement ébouleux sur le rebord des pentes où affleure le substrat.

            Les versants des vallons montrent des roches dures, très anciennes, agées d'au moins 500 millions d'années. Sur l'ensemble du plateau lyonnais, il s'agit de gneiss, terme ultime du phénomène de "métamorphisme" du début de l'ère Primaire. C'est le vieux socle du Massif Central, où toutes les formations antérieures avaient été transformées en profondeur par l'effet de la pression et de la température. On observe le gneiss, facilement délité en plaquettes, dans quelques affleurements, à la périphérie du Bois de Serres. Consulter la carte géologique n° 698 au 1/50.000 Lyon et sa notice. Et se reporter à la 1ère partie (Histoire géologique régionale)  du Guide Géologique  Lyonnais/Vallée du Rhône, Edit. Masson.

            Un peu plus tard, mais toujours au Primaire, un nouveau et puissant phénomène thermique profond affecta une partie de la région. Le gneiss fut transformé sur place en granite, entièrement recristallisé. Ce fut précisément le cas dans le secteur du Bois de Serres, ce qui en constitue une particularité intéressante. Les principaux minéraux du granite sont: le quartz, le feldspath et le mica. Ils présentent ici des caractères spéciaux. Nous avons la chance qu'une ancienne carrière l'exploitait et l'on peut encore y trouver des fragments éboulés. Elle est située chemin Jansavon à Ecully, sur le versant oriental du vallon des Planches. Elle mérite le déplacement, l'observation (se munir d'une loupe) et, si l'on veut, le prélèvement d'un échantillon; on le choisira petit pour ne pas épuiser le site.

            Décrivons ce "granite du Bois de Serres". Pour cela, choisir un bloc de taille moyenne dans la pente ébouleuse ou en casser un morceau au marteau, mais d'un coup sec pour ne pas en abimer la section. Il est nécessaire de le laver et de le brosser, ce que facilite la proximité du ruisseau. On constate que sa teinte est sombre, dûe au mica noir et à d'autres silicates ferro-magnésiens en petite proportion. Ici, il est difficile de cliver le mica sans abimer l'échantillon. Le quartz s'observe sous forme de grains d'aspect vitreux. Le feldspath est particulier et donne toute son originalité à notre granite. En effet ses cristaux, de teinte grise et à la cassure brillante, sont souvent géants: il n'est pas rare d'en voir de 3 à 4 cm de long. De ce fait on dit que le granite est "à dents de cheval". Chaque cristal montre une raie médiane: c'est la preuve d'une macle, c-à-d un accollement inverse de deux demi-cristaux. L'ensemble de la roche constitue ainsi une rareté, en tous cas à l'échelle régionale.

            En empruntant le chemin axial du bois de Serres du Sud vers le Nord, on marche par endroit sur la surface usée de ce granite, puis on rencontre les premiers galets plus haut. A noter que ce chemin est une vieille voie de passage, d'origine celtique (ou plus ancienne?). Elle permet, à pied ou à charette, de gagner directement, le plateau depuis sa base. Au début de sa montée, c'est véritablement ce qu'on appelle "un chemin creux". 

            Le granite s'altère sur les versants exposés et se décompose alors en un sable grossier appelé arène. Le mica n'a pas resisté, le feldspath est résiduel; il ne reste pratiquement que le quartz, d'où la teinte claire du résidu. C'est le cas sur Ecully dans le talus du premier lacet du Chemin de Charbonnières, en bordure du bois de Serres. Faire attention au passage des voitures, le virage est dangereux et le chemin étroit. L'affleurement est tout à fait pédagogique et montre très bien le phénomène d'altération mécanique de la roche par les agents atmosphériques, comme la pluie et l'alternance gel/dégel. En bas de la coupe, haute au total d'environ 2 mètres, on observe encore des morceaux de granite altéré mélé dans une sorte de gravier: c'est le gore (ou ghorre). Plus haut, en approchant de la surface, le granulat devient moins grossier et l'on passe à l'arène proprement dite. L'action de la végétation, par son système radiculaire, achève le processus. Il vaut mieux ne pas faire de prélèvement mais des photos en plaçant un repère gradué ou un objet usuel.

 

 

Remarques à propos de cet examen géologique:

 

            Un peu d'archéologie.

            L'ancienneté du site du Bois de Serres dans sa morphologie actuelle est attestée par la découverte sur le sol d'une ancienne clairière, ouvrant à l'Ouest du chemin, en passant déjà sur Dardilly, d'éclats de pierre taillée. G.Demarcq en avait trouvé 3, au début des années 70, quand la végétation arbustive était encore peu développée. Ce ne sont pas des silex taillés ni des éclats de roche autochtone ou de galets locaux, mais des fragments de calcaire dur et homogène, blanc grisâtre, comme le calcaire "ciret" des Monts d'Or. D'après les spécialistes, leur facture irrégulière les daterait du Néolithique, soit un âge de 7.000 à 10.000 ans. On peut oser une corrélation avec l'ancienneté du chemin évoquée précédemment.

 

            Les sols en fonction de la nature de la topographie et de la géologie.

            Leur relation explique les différents biotopes du Bois de Serres. On reconnait ainsi 3 ensembles naturels avec chacun un type de sol particulier, au sens pédologique. Nous verrons que les espèces végétales et animales en dépendent directement.

            Sur le plateau l'argile mélée de galets donne un sol maigre et acide. La part de matière organique est faible. La végétation est peu dense. Les arbres poussent très lentement, peu variés en espèces et le sous-bois est peu fourni.

            Sur les versants, par contre, l'arène granitique, même mélée de galets en bordure, permet l'établissement d'un sol plus profond, assez meuble, mais toujours acide. Les arbres et les taillis sont plus nombreux et fournissent davantage de matière organique ("litière"). Le sous-bois est bien fourni. La flore est plus riche en ses 3 niveaux: herbacé, arbustif et arborescent. Les talus des chemins creux montrent bien cette plus grande variété de végétation.

            A la limite des versants et des vallons, le biotope est encore plus riche et plus varié. Le sol, sur fond arénique éboulé, y est plus profond et plus humide.

            Les fonds des vallons sont en grande majorité dévolus à la prairie. Les sols sont épais car ils profitent de l'alluvionnement limoneux et sableux. D'où une terre meuble, grasse, riche en matière organique et assez humide, surtout près des berges. Les herbes y poussent bien, les essences d'arbres hygrophiles s'alignent le long des ruisseaux.

            Ces caractéristiques donnent au Bois de Serres tout son intérêt, dans un milieu encore naturel, pour le plus grand bien des promeneurs et des naturalistes.

 

 

Professeur Gérard DEMARCQ

 


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